Introduction au multiculturalisme au Canada
Multiculturalisme : John Wadland
par Maria-Emma CASTANHEIRA
La notion de multiculturalisme en tant qu'idéologie:
Pourquoi considérer le concept de multiculturalisme comme étant une idéologie ? Qu’entendons-nous par idéologie ? Le sens que nous attribuerons ici à cette notion, est relativement simple : il s’agit d’un système d’idée qui façonne et/ou constitue une grille particulière d’interprétation du monde. Ainsi, nous pouvons définir le multiculturalisme en tant que courant de pensée, qui prend son essor dans la fin des années ‘70, soit dans un contexte historique où de nombreux Etats-nations se mirent à adopter une nouvelle gestion des mouvements migratoires, à la suite des chocs pétroliers et des premières crises économiques successives. En tant que courant de pensée, le multiculturalisme ne signale pas simplement que les sociétés sont composées d’individus aux appartenances et aux identités culturelles différentes. C’est un fait historique de n’importe quelle société, ce constat est mis en avant périodiquement, selon comment les pouvoirs publics et les médias s’y intéressent. Le multiculturalisme va au-delà de ce constat, « il prône » la valorisation des identités, leur reconnaissance à l’intérieur des Etats. Dans une optique relativiste, le concept de multiculturalisme, met l’ensemble des cultures au même niveau, sans aucune relation de domination à l’intérieur même d’un pays[1] [2].
Au niveau empirique, le multiculturalisme devient un fait social dès lors que des groupes s’identifient à des identités autres que celle du pays dans lequel ils résident, et qu’ils revendiquent un statut juridique et social équivalent aux membres de la culture dîtes dominante. Il s’agit d’une revendication sociale qui s’inscrit dans une lutte pour la reconnaissance. Nous pouvons prendre l’exemple des autochtones au Canada, qui se battent pour préserver leur statut social. Ce mouvement, a pour origine l’intériorisation par les membres des groupes aux identités particulières, du regard que la société porte sur eux. C’est aussi parce que la société identifie les individus par rapport à une identité donnée, que ces derniers s’identifient à leur tour à cette identité. Il ne nous faut pas oublier, que les individus se construisent socialement au travers du regard d’autrui, ce qui détermine dans leur évolution leur prise de position ou leur choix d’action sociale. C’est en ne reconnaissant pas les autochtones comme étant canadiens, que ces derniers vont renforcer leur identification à leur histoire, à leurs traditions, à leurs langues…[3]
Concernant l’application des idéaux multiculturalistes et des réponses institutionnelles aux revendications des différents groupes sociaux, les Etats tentent de trouver un juste équilibre entre leurs intérêts et la demande sociale afin d’assurer l’unité des pays et leur cohésion sociale respectives. L’Etat fédéral canadien est actuellement le plus abouti concernant l’application d’une politique multiculturelle. En effet, il a su s’organiser pour gérer son immigration tout en prenant des mesures institutionnelles qui permettent aux nouveaux arrivants de ne pas se sentir exclus en facilitant leur insertion professionnelle, en mettant en place des structures dans lesquelles ils peuvent demander des renseignements pratiques... de cette manière les différentes identités sont reconnues et acceptées. La coexistence entre les différentes communautés est ainsi assurée. De plus, les autorités encouragent la participation à la vie sociale des résidents permanents c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas originaires du Canada.
L’enjeu politique du multiculturalisme est de créer de l’unité, un héritage commun à tous les individus qui composent la nation canadienne.
[1] Leman, Marc, « Le multiculturalisme canadien », Division des affaires politiques et sociales, 1999, http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/CIR/936-f.htm.
[2] Burnet Jean, « Multiculturalisme », http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1ARTf0005511.
[3] Benichou Meidad, Le multiculturalisme, Bréal, 2006.
LE MULTICULTURALISME CANADIEN:
HISTOIRE, RICHESSES, DIFFICULTES
Avant 1947:
Avant d’adopter une politique multiculturelle, le gouvernement canadien n’a pas toujours été favorable à l’immigration ; bien que le pays possède une histoire qui repose principalement sur les mouvements migratoires. Déjà en 15 000 avant J-C, les premières populations qui peuplèrent le Canada étaient d’origine étrangère ; celles-ci venaient du continent asiatique, qui était à ce moment là de l’histoire rattaché au continent américain (Elles passèrent par le détroit de Bering). En l’an 1000 après J-C, les vikings débarquèrent sur les côtes de Terre-neuve, puis en 1492, les premiers européens découvrirent à leur tour le continent américain. Au fil des siècles le territoire canadien fut petit à petit formé par des peuples issus de l’immigration, formant ainsi une nation souvent considérée comme une mosaïque des cultures. C’est certainement la raison pour laquelle dès la formation du pays en 1867 (la confédération canadienne formée par les provinces de l’Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Ecosse), le gouvernement décida d’établir des lois afin de gérer le peuplement de ce territoire immense. En 1872, la loi des terres fédérales permettait à l’Etat de vendre des terres, à des hommes âgés d’au moins 20 ans qui seront considérés comme loyaux envers le Canada pour peupler l’ouest du pays. Au-delà de cette nécessité démographique pour occuper les terres canadiennes, en 1910, le ministre de l’intérieur Frank Oliver[1] proposa une loi sur l’immigration qui interdisait aux personnes atteintes d’un handicap physique ou mental d’entrer au pays. Celui-ci considéré qu’il fallait que l’immigration soit plus sélective et rigoureuse dans sa gestion, même si cette pratique consistait à discriminer certain groupe ethnique. Bien que cette vision de la gestion de l’immigration par les autorités canadiennes, ait peu changée sur la forme, celle-ci s’est quelque peu modifiée sur le fond. En effet, au cours du temps les pouvoirs fédéraux se sont orientés vers ce que nous pouvons appeler un certain relativisme, en étudiant différentes solutions afin de permettre la cohabitation harmonieuse des individus issus de cultures différentes[2].
[1] http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/20201.html.
[2] http://www.edukits.ca/multiculturalism/student/timeline_f.html.
De 1947 à 1971:
En 1947, la loi sur la citoyenneté canadienne est mise en place ; désormais les canadiens ne sont plus considérés comme étant des sujets britanniques, mais comme étant des véritables citoyens canadiens. De plus, les immigrants ont la possibilité d’obtenir la citoyenneté après avoir habité pendant cinq ans au Canada. La même année le premier ministre Mckenzie King, déclare que la politique des migrations changera d’orientation sans pour autant changer la structure de la société canadienne. D’ailleurs, c’est durant cette année charnière que la loi de 1923 interdisant l’immigration chinoise fut abolie. Cependant, dans les années 1960 les tensions entre francophones et anglophones s’intensifièrent, le Québec allant même à revendiquer son indépendance. Face à l’ampleur que prenaient les événements une commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme se mit en place. Ce texte établit, entre autre, la reconnaissance par l’Etat fédéral des différentes cultures et origines ethniques, promouvant l’intégration des individus et non leur assimilation qui conduirait à la négation de leurs origines. A la fin des années 60, en parallèle à ces tensions, la parution du livre blanc concernant les politiques gouvernementales pour les autochtones, a déclenché le mécontentement de ce groupe. En effet, ce livre conduisait à réduire la participation aux décisions gouvernementales des indiens et avait pour but de conduire à la suppression du statut d’indien. L’adoption de ce livre blanc fut annulée, étant source de conflit social, mettant à mal la cohésion de la société canadienne, qui était au bord de l’éclatement durant cette période. C’est certainement à cause de ce contexte que l’application d’une politique multiculturelle fut envisagée puis appliquée à partir de 1971[1].
[1] http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/CIR/936-f.htm
De 1971 à 1981 :
C’est en 1971, que Pierre Elliott Trudeau, Premier Ministre controversé de l’époque, proclame l’adoption d’une politique multiculturelle pour le Canada. Les premiers objectifs de cette nouvelle orientation politique reprennent et approfondissent ceux de la loi sur les langues officielles de 1969, à savoir la construction d’une société qui réaliserait l’égalité entre les différentes communautés vivant au Canada. D’où l’emploi par les autorités de la métaphore de la « mosaïque », qui met en avant la volonté du gouvernement fédéral de permettre la collaboration entre les groupes ethniques tout en préservant leurs caractéristiques culturelles. Ainsi, l’Etat canadien reconnait les différences culturelles et les acceptent en désirant les intégrer à la culture canadienne. De cette manière les individus n’ont pas le sentiment de faire partie qui les considère comme étrangers et d’un pays non comme citoyens. Bien que cette politique, selon certain observateur, ne correspondait pas aux premiers abords aux besoins des personnes immigrés, mais d’avantage aux groupes dominants, à savoir les francophones et les anglophones, pour faciliter leurs relations, la construction progressive du multiculturalisme au niveau institutionnel permettra de plus en plus aux nouveaux arrivants de mieux s’intégrer au pays et de moins faire l’expérience de la discrimination sociale et économique. Les préoccupations principales du multiculturalisme canadien naissant étaient d’une part, trouver des solutions pour favoriser la diversité sans créer de divisions[1] et d’autre part, d’actualiser les politiques multiculturelles afin qu’elles correspondent avec les réalités sociales. C’est la raison pour laquelle en moyenne tous les dix ans cette politique inédite modifie ses objectifs et se fixe de nouveaux défis. Aussi, à la lecture du tableau ci-dessus, nous remarquons que le vocabulaire qui désigne les objectifs, les défis et les lignes de conduite du gouvernement change en fonction des contextes sociaux et très certainement intellectuels. D’ailleurs, parmi les buts initiaux nous noterons la valorisation de la diversité comme élément intégrateur, la volonté de servir de modèle aux autres pays, lutter contre le racisme, offrir une terre plus accueillante aux immigrants, permettre l’intégration…En 1977, la loi sur la citoyenneté réalise en partie, ces premières aspirations puisqu’elle garantie l’égalité dans la gestion de l’immigration ; de cette manière les personnes originaires des pays sous le Commonwealth ne sont plus privilégiées, les individus peu importe leur pays d’origine possèdent grâce à cette loi les mêmes chances afin d’obtenir un statut de résident permanent. Bien entendu, cette période qualifiée de formation ne c’est pas déroulées sans heurts, et comme nous le verrons dans la partie concernant les difficultés rencontrées par le gouvernement fédéral, le multiculturalisme a fait et fait toujours l’objet de nombreuses critiques[2].
[1] http://www.policyresearch.gc.ca/doclib/SR_div_Mosaic_f.pdf.
[2] http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/CIR/936-f.htm.
De 1981 à nos jours:
Dans les années 1980 la politique multiculturelle du Canada est réaffirmée par la loi sur le multiculturalisme canadien qui est adoptée unanimement par le parlement en 1988. Quelques années auparavant la charte canadienne des droits et libertés établissait dans la législation la garantie de la liberté et de l’égalité pour tous les individus peu importe leur origine et la lutte contre toute forme de discrimination (source de défi des autorités à cette époque). Cette charte est un élément historique fondamental dans la consolidation de la politique multiculturelle canadienne. En 1994, le ministère citoyenneté et immigration Canada est créé ; celui-ci a pour vocation de gérer l’immigration au niveau des critères d’admissibilité, du nombre d’immigrants nécessaires par an, mais ce ministère s’occupe également de conférer la citoyenneté aux immigrants et de la mise en place de service permettant une meilleures intégration aux résidents permanents. Ces derniers sont les personnes admises au Canada soit pour travailler, soit pour rejoindre leur famille soit pour être protégé. C’est trois conditions représentent les catégories de classement des résidents permanents au Canada.
Chaque année des plans concernant l’immigration sont établis afin de définir le nombre d’immigrants nécessaires au pays, surtout sur le plan économique. Les individus sélectionnés sont répartis de manière plus ou moins équivalente entre les trois catégories et ces plans sont rigoureusement respectés par les autorités. L’immigration, avec la mise en place du multiculturalisme, est véritablement conçue comme étant une ressource pour le pays et non comme quelque chose de négatif. L’étranger est pensé comme étant un individu qui soutient l’économie et la culture du pays et donc sa prospérité. Selon un enquête de 2002 83% des canadiens interrogés, pensent l’intégration des citoyens d’origine étrangère comme positive[1].
Ceci concerne le niveau fédéral, mais au niveau des provinces, ces dernières possèdent elles aussi des corps politiques plus ou moins important qui s’occupe de l’application du multiculturalisme. Dans la majorité des cas, les provinces possèdent des sortes de conseil qui proposent à l’Etat fédéral diverses mesures, solutions concernant la cohabitation des différentes cultures tout en diffusant les valeurs canadiennes. Seul le Québec a adopté une constitution particulière pour appliquer la politique multiculturelle. En effet, bien que le gouvernement québécois reconnait la diversité culturelle, la promotion de celle-ci s’effectue dans un cadre où la francophonie est malgré tout conçue comme dominante est indétrônable face aux autres cultures.
La multiplication des lois, des codes ou des chartes qui a eu lieu depuis la mise en place de la politique multiculturelle, a pour objectif final de faire naître un sentiment d’attachement et d’appartenance au Canada chez l’ensemble des nouveaux arrivants. En 2003, 88% des canadiens déclaraient avoir un fort sentiment d’appartenance à l’égard de leur pays ; sachant que en moyenne 80 % des immigrés acquièrent la nationalité au bout de trois ans de résidence au Canada. Ceci signifie, qu’une grande partie des 88 % d’individus qui ont cochés cette affirmation, sont des citoyens canadiens d’adoption[2].
Ce qui est d’autant plus inédit dans le multiculturalisme canadien, c’est que l’immigration est au centre de l’ensemble des préoccupations sociales et économiques puisque plusieurs organismes qui seraient vraisemblablement indépendants les uns des autres collaborent ensemble afin que les individus réussissent à s’intégrer dans la société canadienne de manière harmonieuse.
[1] http://www.chrc-ccdp.ca/media_room/speeches-fr.asp?id=162&content_type=2.
[2] http://www4.hrsdc.gc.ca/.3ndic.1t.4r@-fra.jsp?iid=71.
Les richesses de la politique multiculturelle Canadienne
Si nous regardons les événements des années 1960 au Canada, nous pouvons très certainement affirmer que le pays a réussi à trouver son unité dans la diversité. Cette affirmation peut sembler paradoxale, peut-être même absurde pour certain, néanmoins bien que cette unité doit être en permanence travaillée, elle existe bel et bien grâce à la coexistence harmonieuse entre les différents groupes culturels établis au Canada. Cette coexistence a été possible grâce à la mise en place de la politique multiculturelle et de son système législatif extrêmement rigoureux et puissant.
La promotion de l’immigration au travers du multiculturalisme, véritable grille de lecture des rapports sociaux au Canada, permet à ce dernier d’intégrer chaque année un grand nombre d’immigrants, environ 250 000 résidents permanents admis annuellement[1]. Cette dynamique démographique permet de pallier le vieillissement de la population, étant donné qu’actuellement l’immigration est supérieure au taux de natalité. De plus, cet apport démographique est constitué de personnes jeunes, actives et souvent extrêmement qualifiées ce qui soutient l’économie du pays en palliant la pénurie de main d’œuvre tout en évitant le coût de la formation qu’implique « la production de travailleurs ».
Ce qui rend la politique multiculturelle canadienne si novatrice et moderne, c’est qu’elle intègre dans ses préoccupations à la fois les questions culturelles mais aussi les questions sociales. Les autorités considèrent que chaque nouvel arrivant entre dans un processus d’intégration, que l’Etat se doit de maîtriser du début à la fin, c'est-à-dire jusqu’à une éventuelle donation de citoyenneté, sans pour autant exercer une violence symbolique sur les individus, en ayant une action coercitive dont le but serait de nier la culture d’origine de ces derniers. Les individus ne doivent pas être assimilés à une culture unique, qui serait la culture canadienne, à l’inverse, le pays doit les intégrer en respectant les appartenances particulières. Cette posture repose sur l’idée que toutes les cultures se valent puisqu’il n’existe aucune norme qui permette de les hiérarchiser. A cette idée se greffe un second principe, à savoir que c’est en acceptant et en respectant les différentes cultures dans les limites du cadre démocratique, que les individus ne développerons pas de sentiment d’infériorité et d’injustice par manque de reconnaissance ; c’est ainsi, qu’ils pourront exercer leur potentiel dans sa totalité, pour le bon fonctionnement de l’Etat fédéral. De cette manière, théoriquement, la paix et la cohésion sociale sont garanties.
D’ailleurs, les canadiens intègre pleinement la culture au système économique. Dans leurs visions politique, économique et sociale, c’est une erreur de séparer les domaines de la culture et de l’économie, ils sont aussi important l’un que l’autre, voire interdépendants selon les cas. Ainsi, la culture permettrait, entre autre, de fixer des objectifs économiques, de mettre en place des ponts économiques, à la fois au niveau des communautés internes au Canada mais aussi au niveau externe, entre le Canada et les autres pays. En témoigne les actions de la coalition canadienne pour la diversité culturelle[2].
La politique du multiculturalisme canadien est en parfaite adéquation avec les nécessités et les exigences de l’économie et des modes de vie mondialisés, bien qu’elle entre certainement en contradiction sur un point majeur de la mondialisation au sens américain du terme. En effet, l’adoption du multiculturalisme est en contradiction avec la volonté américaine de former par la diffusion des mêmes biens et services dans le monde, une sorte d’uniformisation culturelle. Le Canada est contre cette volonté, c’est pourquoi il valorise le marché culturel au travers du commerce ethnique ou même des manifestations propres aux différents groupes culturels vivant au Canada. Ainsi, le multiculturalisme repose sur une philosophie libérale qui tente d’appliquer un modèle de justice sociale à valeur humaniste.
[1] http://www.cic.gc.ca/francais/pdf/pub/immigration2009_f.pdf.
[2] http://www.youtube.com/watch?v=z84-p44YZ2s.
Les difficultés des politiques multiculturelles canadiennes
Bien que le multiculturalisme canadien ait des conséquences positives dans certains domaines, dans d’autres pans de la vie sociale le multiculturalisme est soit remis en cause soit il comporte quelques lacunes. Tout d’abord, sur le plan idéologique le multiculturalisme ne fait pas l’unanimité, bien au contraire. Certains intellectuels craignent que la promotion de la diversité soit aux dépens de l’égalité et de la liberté mais aussi de la cohésion sociale. Selon, ces détracteurs en mettant en avant la différence entre les individus loin de les unir, cela risque de dissoudre l’unité fragile du pays. Bien que des enquêtes illustrent que ce risque est quasi-inexistant actuellement au Canada, puisque la société accepte les différentes cultures, les individus ne se replient sur cette dernière ; cette critique du multiculturalisme persiste dans le temps. D’autres expliquent, que le multiculturalisme tel qu’il est appliqué au Canada relève d’une conception folklorique et classique des cultures. Cette conception aurait pour conséquence de subordonner la liberté individuelle à l’appartenance communautaire. Ceci favoriserait alors le morcellement de la société[1].
Récemment, un débat politique au niveau de la jurisprudence dans le monde du travail tendrait selon certains observateurs à remettre en cause le modèle multiculturel tel qu’il a été mis en place jusqu’à nos jours. L’objet de ce débat est l’application de ce que les canadiens appellent les accommodements raisonnables. Il s’agirait de mesure pour lutter contre la discrimination mise en place entre un chef d’entreprise et son employé, si ce dernier a été discriminé en raison de son origine ethnique ou autre. Plus simplement, ces accommodements raisonnables consistent en un accord entre deux individus qui peut déroger à la norme des relations professionnelles définie par la loi, si l’un de ces derniers a été victime de discrimination. Dans ces circonstances le multiculturalisme perd en quelque sorte son pouvoir législatif puisqu’il dépendra du système de jugement des individus ; ceci pourrait avoir des conséquences négatives notamment au niveau de l’égalité, voire même de l’application des idéaux qui sont aux fondements de ce courants de pensée. C’est la raison pour laquelle, depuis 2007, le débat des accommodements raisonnables est assez polémique, notamment au Québec[2].
D’ailleurs, le Québec et la communauté francophone qui y vit ne voient pas toujours d’un œil positif la politique multiculturelle appliquer par le pouvoir fédéral, et ce depuis 1971. En effet, la communauté francophone, craint qu’à terme le pouvoir fédéral considère les francophones comme n’importe quel autre groupe ethnique qui au fur et à mesure devra s’intégrer à la culture canadienne d’inspiration anglo-saxonne. Les francophones tiennent à être considérés comme l’équivalent des anglo-saxons si ce n’est supérieurs dans la gestion de la politique interne. Cette animosité peut être illustrée par les différents référendums menés par le Québec afin que celui-ci prenne son indépendance. Même si jusqu’à présent ces manifestations n’ont pas abouties, les revendications identitaires restent monnaie courante.
La seconde difficulté que semble rencontrer la politique multiculturelle canadienne concerne la prise en considération par l’Etat fédéral des communautés autochtones. Ces dernières sont régulièrement en alerte quant à leur rôle politique. La crise d’OKA dans les années 90 ou quelques années avant la parution du livre blanc en 1969 qui avait pour objectif de réduire le pouvoir des communautés autochtones au sein de l’Etat, font parti d’autres événements historiques et fréquents qui concernent la défense des natifs. Bien qu’ils soient considérés comme une communauté à part des immigrants, les autochtones semblent aussi considérés comme étrangers et font parfois l’objet de plan pour permettre leur intégration.
Enfin, un troisième problème majeur que rencontre la politique multiculturelle canadienne actuellement est l’intégration des deuxièmes générations des immigrants notamment pour ceux appartenant aux minorités visibles. Le marché du travail met parfois au jour certaine situation de discrimination, même si ce phénomène reste rare l’immigration canadienne étant gérée en adéquation avec le fonctionnement économique. Néanmoins, certains chiffres sont assez paradoxaux puisque selon une enquête 69% des canadiens pensent que l’Etat ne devrait pas encourager les immigrants à cultiver leurs différences culturelles et pourtant le multiculturalisme est la deuxième source de fierté des canadiens. Ceci semble contradictoire est pourtant les chiffres sont là. Cette différence, reflète très certainement le fait que dans la vie de tous les jours les nouveaux arrivants ne sont pas toujours acceptés aussi bien que le voudrait la législation du multiculturalisme.
[1] http://nicomaque.blogspot.com/2009/01/le-multiculturalisme-une-perversion-du.html.
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Accommodement_raisonnable.
ANALYSE COMPARATIVE DES POLITIQUES MULTICULTURELLES
Afin de pouvoir mieux vous représenter le multiculturalisme canadien, nous avons décidé de le comparer avec d’autres idées du multiculturalisme, que vous pouvez rencontrer dans certains textes. Selon le contexte, le pays ou l’auteur la notion de multiculturalisme peut recouvrir des sens qui ne correspondent pas à la conception et à la politique canadienne. Ainsi, nous allons comparer : l’idée du melting pot américain au multiculturalisme canadien, le multiculturalisme en Bosnie et le multiculturalisme au Canada, puis nous nous intéresserons aux différences entre le modèle canadien et le modèle français sur le plan des politiques d’immigration.
Comparatif du multiculturalisme américain et canadien:
Les Etats-Unis et le Canada, sont des pays souvent considérés comme semblables sur de nombreux points. Si nous nous en tenons aux idées reçues, le Canada serait sous la tutelle américaine, bien qu’il proclame vouloir s’en distinguer. Ce stéréotype qui a très peu de fondements, peut être remis en cause par les postures différentes qu’ont adopté les deux Etats fédéraux face à la gestion de l’immigration. En effet, du côté canadien les autorités ont choisies d’appliquer une politique d’immigration basée sur l’intégration des nouveaux arrivants grâce à la reconnaissance des différentes identités culturelles, qui construisent quotidiennement la nation canadienne. A l’inverse, les autorités américaines, ont préférées faire la promotion du concept bien connu du melting-pot. Celui-ci repose sur l’assimilation des immigrés à la culture strictement américaine. C’est certainement par rapport à ces deux concepts (assimilation/intégration) que les multiculturalismes canadien et américain, sont différents.
La notion d’assimilation, permet d’évacuer un certain nombre de luttes symboliques et sociales que nous retrouvons sous forme d’enjeux sociaux aux Etats-Unis. Par luttes symbolique et sociale nous entendons ici, l’ensemble des rapports sociaux qui s’inscrivent dans un système de concurrence économique et social, déterminé par les appartenances ethniques des individus. Autrement dit, les conflits symboliques résultent des positions sociales inégalitaires ; ou plutôt sont la conséquence des catégories de perception sociale, dont la base idéologique repose sur l’idée qu’à l’intérieur d’un pays il y a une culture dominante qui est constitutive de l’unité de la nation. En conséquence, les individus se doivent d’adopter cette culture dominante. L’idée d’assimilation possède donc une connotation extrêmement coercitive pour les immigrés, nouvellement débarqués sur le continent. D’où les mécanismes de « défense » qu’ils mettent en place, comme la formation de communauté spatiale caractérisée par une homogénéité ethnique (les ghettos), parfois le développement d’activités déviantes pour pallier le non accès au marché du travail valorisé, le port de signe distinctif… Au Canada, grâce au modèle intégratif les frontières entre les différentes communautés sont moins imperméables, il y a moins de discrimination dans le monde du travail, les manifestations des diverses communautés sont acceptées et de nombreuses personnes peuvent y participer même si elles n’appartiennent pas à la culture dite. Au niveau fédéral, il y a de nombreuses manifestations comme le concours Mathieu Da Costa, qui mettent en avant la diversité.
Ce qui a permis au Canada de gérer positivement l’intégration des nouveaux arrivants, c’est certainement la mise en place du système de l’immigration choisie par rapport aux besoins économiques et sociaux du pays. Chaque année le ministère de l’immigration et de la citoyenneté élabore des plans, qui fixent le nombre de migrants que le pays a la possibilité d’intégrer. Aussi, si les canadiens ont une visions positive de l’immigration c’est dû à l’histoire même du pays. En effet, à l’inverse des Etats-Unis le Canada n’a pas un passé marqué par l’esclavage ; de puis sa création en 1867, les pouvoirs canadiens ont du faire face à l’obligation de gérer la coexistence entre les deux peuples fondateurs : les anglophones et les francophones. Ainsi, au fur et à mesure du développement du pays, le Canada est passé du biculturalisme au multiculturalisme. Les Etats-Unis quant à eux, se sont construits à partir de peuples majoritairement anglo-saxons à la tête des états. Ces histoires sont les raisons principales qui expliquent la position des deux pays par rapport à l’immigration.
Le multiculturalisme en Bosnie a-t-il la même définition que le multiculturalisme canadien?
La Bosnie est un pays de l’ex-Yougoslavie, dont la capitale est Sarajevo. Bien que nous connaissions plus ou moins l’histoire de ce pays depuis 1945, la plupart d’entre nous ignorons son histoire plus lointaine. Or, si nous nous intéressons au passé de la Bosnie, nous constatons que depuis des siècles ce pays est une terre qui a accueillie de nombreuses cultures dont les traces sont encore présentes de nos jours, notamment dans le tissu social qui compose sa capitale.
Au XVème siècle, la ville de Sarajevo fut soumise à l’occupation ottomane, alors que jusqu’alors la ville c’était développée à partir de la paroisse de Vrhbosna. Bien que durant cette période le nombre de catholique dans la ville ait diminué ; même durant l’occupation autrichienne au XIXème siècle, la ville resta cosmopolite au niveau des identités religieuses qui la composait. En effet, les différents groupes cohabitaient pacifiquement et chacun se regroupait dans des quartiers qui se formaient autour des lieux de culte. Cette harmonie plus ou moins fragile, fit de l’appartenance religieuse un outil politique, au fur et à mesure du temps. Depuis maintenant quelque temps, il existe dans ce pays une confusion entre la nationalité et la confession des individus. Ainsi, avant d’être identifié comme membre d’un pays, les individus sont assimilés à leur religion ; ils se définissent d’abord comme musulman ou chrétien, avant de se définir comme serbe ou croate. Cette diversité religieuse se retrouve d’ailleurs dans l’architecture des villes de Bosnie mais aussi dans certaines pratiques culturelles qui animent le pays.
Maintenant que nous venons d’énoncer l’ensemble de ces éléments relatifs à la Bosnie, nous pouvons nous poser la question suivante : est-ce que cette simple cohabitation, qui existe encore aujourd’hui, nous permet de dire qu’il existe en Bosnie un multiculturalisme au sens canadien du terme ?
Ici, nous choisirons de dire non à cette question, car il n’existe pas en Bosnie de politique à visée multiculturelle comme au Canada. La volonté principale des autorités est de créer l’unité du pays sous une culture commune à tous les individus. L’objectif n’est pas de créer l’unité dans la diversité en passant par la reconnaissance égale des cultures ou plutôt religions qui composent le pays. Au-delà de l’absence de cette volonté, le multiculturalisme considéré comme résultat est bien présent en Bosnie. C'est-à-dire que le multiculturalisme est pensé comme étant déjà réalisé par la cohabitation plus ou moins pacifique des différentes confessions. Cet aspect est un autre point de différence avec le multiculturalisme tel qu’il est conçu au Canada. En effet, le multiculturalisme canadien est pensé comme un idéal à réaliser et à poursuivre en permanence par les autorités. D’ailleurs, au Canada il s’agit d’un véritable programme d’action, sans cesse actualisé depuis les années 1970[1].
[1] Samic Jasna, « qu’est-ce que le multiculturalisme à Sarajevo ? », http://droitdecites1.free.fr/spip.php?article106.
Le multiculturalisme canadien et la politique française face à l'immigration:
Le Canada et la France ont des positions totalement différentes dans leur choix de gestion de l’immigration. Nous tenterons ici d’expliquer pourquoi les politiques mises en place par les deux pays et les conséquences de celles-ci, sont différentes, voire opposées. Parmi l’ensemble des différences que nous pouvons citer, nous choisirons de mettre en avant la racine principale qui explique les programmes d’action appliqués par ces pays. Cette racine n’est autre que les mythes qui fondent les nations canadienne et française.
LE CANADA :
C’est un pays qui s’est construit grâce à l’immigration, et encore aujourd’hui si le pays est prospère c’est en partie grâce à l’apport des résidents permanents. Ces derniers ne sont pas vus comme négatifs, bien au contraire ils sont considérés comme un apport positif pour l’économie du pays. Dû à cette vision, les canadiens ont une gestion extrêmement rigoureuse et pragmatique de l’immigration, afin que celle-ci reste positive. Cette attitude politique réside dans le mythe fondateur de la nation canadienne qui a pour objectif de réaliser l’égalité entre les différents peuples qui composent le pays afin de garantir la paix.
LA FRANCE :
A l’inverse, la France, est le fruit d’un peuple historique, qui s’est développé dans un même cadre géographique et historique. Depuis des siècles, la France est un pays centralisé, qui a réussi à faire tenir ensemble ces différentes régions sous un pouvoir commun. C’est aussi un ancien pays colonisateur, de cette colonisation il résulte des rapports de force avec les pays qui étaient autrefois colonisés. De part l’ensemble de ces antécédents, l’étranger est souvent vu comme négatif. A ce dernier, est attaché un certain nombre de stéréotype. Aussi, même si un immigré acquiert la nationalité, il a de grandes chances d’être toujours considéré comme étranger. C’est par exemple le cas des secondes générations en France.
De plus dans le mythe français le citoyen est sans appartenance, neutre ; or, comment un individu peut être considéré comme sans appartenance alors que chacun est le fruit d’une histoire personnelle et culturelle ; l’ensemble de ces histoires détermine les choix d’action des individus dans l’espace public. De ce fond idéologique simplifié pour la démonstration, il en ressort deux politiques d’immigration, différentes et respectives aux deux pays.
La politique migratoire canadienne:
L’Etat fédéral canadien a la volonté de gérer le processus migratoire dans lequel entre les migrants du monde entier, pour accéder au pays, du début à la fin. Ainsi, pour immigrer au Canada l’individu doit passer un test de langue en anglais, avant de s’engager dans des démarches plus complexes. Si la personne réussie le test, il lui sera fournie une trousse d’immigration qui contiendra l’ensemble des papiers nécessaires pour son immigration. A la suite de ces formalités administratives, l’individu doit passer une visite médicale, payer des frais de dossiers, prouver ses diplômes et la non existence d’un casier judiciaire. Aussi, l’individu doit posséder avant de partir une somme de 5000$ canadiens, plus 2000$ canadiens pour chaque personne à sa charge qui immigre en même temps que lui. Si la personne entre dans la catégorie de l’immigration de travail, il doit également prouver qu’il a de quoi subvenir à ses besoins durant 6 mois. Ces démarches ne concernent pas les personnes qui veulent immigrer à Québec. La province possède une législation à part concernant l’immigration[1]. Bien que le gouvernement face son possible pour réduire le temps d’acquisition du statut de résident permanent, ce processus reste extrêmement long. Le temps d’attente est long et parfois infructueux (environ un an), puisque le Canada n’accepte pas l’ensemble des demandes. Chaque année les services fédéraux fixent des quotas d’acceptation de résidents permanents et ces plans sont rigoureusement respectés, comme l’illustre le graphique ci-dessous. Les résidents permanents sont acceptés en fonction des besoins du pays.
L’Etat fédéral n’abandonne pas les nouveaux résidents permanents une fois qu’ils mettent le pied sur la terre canadienne. Une fois dans le pays les résidents permanents sont soutenus par des services qui facilitent leur intégration économique et sociale. C’est pourquoi nous disons que l’Etat canadien afin d’optimiser au mieux l’intégration des individus suit le processus migratoire du début à la fin.
[1] http://www.immigre-canada.com/demarches.php.
La politique migratoire française: comment migrer en France?
Pour pouvoir enter en France[1] les étrangers doivent posséder un visa qu’ils obtiennent dans une ambassade française. Il existe différents types de visa selon si le séjour est court (3 mois) ou long (plus de 3 mois). Une fois le visa obtenu, l’individu peut entrer sur le territoire français. A partir des visas long séjour l’individu peut demander une carte de séjour en France dans un délai de deux mois depuis son arrivée. Pour obtenir ce type de visa l’individu doit fournir des pièces administratives, un passeport qui doit être valide tout au long de la durée du séjour et il doit payer les frais de dossier. Les visas long séjour sont généralement délivrés pour un travail, les études et la réunification familiale. Il est aisé de comprendre que lorsque les visas arrivent à expiration les individus deviennent hors la loi, puisque légalement ils ne doivent plus vivre sur le sol français. De sorte de nombreux individus arrivent légalement en France, puis faute de renouvellement tombent dans l’illégalité et font couler beaucoup d’encre dans les journaux.
Entre les visas et la possession du statut de résident permanent au Canada, l’individu n’est pas du tout pensé de la même manière. En effet, les résidents permanents ont quasiment les mêmes droits que les citoyens canadiens mis à part le droit de vote. Ils sont pleinement intégrés au pays. En revanche, les individus qui possèdent un visa sont considérés comme étranger et ils ne possèdent pas les mêmes droits que les citoyens. D’ailleurs, le vocabulaire utilisé dans les deux pays pour désigner les migrants possède des connotations différentes, est d’une certaine manière antagonistes. En France, l’individu n’est pas reconnu comme un membre du pays, il reste un élément extérieur, sans véritable intérêt. Au Canada, pour désigner les migrants dans les textes officiels, la formule de résident permanent est largement utilisée. Cette formulation accorde un statut légal à l’individu et implique que ce dernier fait partie du pays.
Par ces différences de fond idéologique, de gestion et de statut, il est aisé de comprendre ces deux manières différentes de vivre et de gérer l’immigration. La politique multiculturelle telle qu’elle est appliquée au Canada permet de construire un visage positif de l’immigration, les résidents permanents ayant très peu de chance de tomber dans l’illégalité à cause de leurs papiers.
[1] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/france_829/venir-france_4062/entrer-france_4063/index.html.