2.4.3- Les Mennonites
LES MENNONITES
Interview de Phyllis Kramer
Les Mennonites au Canada
(Diane Rives)
Les origines du courant mennonite
Le mennonitisme est un courant religieux chrétien protestant qui naquit au XVI ème siècle en Europe en même temps que le mouvement de la réforme protestante. En effet, à l'époque, alors que le christianisme était largement majoritaire dans toute l'Europe occidentale, un mouvement chrétien mais sur de nouvelles bases que le catholicisme se développe : c'est ce que nous appelons la Réforme protestante. Si le protestantisme se répand alors très vite en Europe, cela est en partie du à sa nature contestataire. En effet, l'Église catholique est alors accusée de nombreux abus de diverses sortes (nicolaïsme, népotisme,...) et les croyants traversent pour beaucoup d'entre eux une crise de confiance face à cette institution en déclin. C'est pour cela qu'une grande partie des peuples se tournent de plus en plus vers cette nouvelle pratique de la chrétienté qu'offre le protestantisme, une pratique apparaissant comme plus personnelle, où l'homme se recentre sur sa foi et dans laquelle la notion d'institution religieuse est moins présente (dans tous les courants protestants, on ne considère pas que le pasteur doive représenter un intermédiaire avec Dieu, le croyant pouvant communier directement avec ce dernier). Néanmoins, la réponse de l'Église catholique face à ce mouvement est forte, et les protestant furent traqués pendant plusieurs siècles, la pratique même du protestantisme étant décrétée comme illégale dans de nombreux pays, et notamment la France. Mais cela n'empêche pas les différents leaders du mouvement de continuer à prêcher, et à répandre leur vision de la religion chrétienne. C'est ainsi que différents personnages se détachent des autres, et forment leurs propres courants religieux. Nous retrouvons parmi eux Martin Luther et Jean Calvin, qui sont les plus célèbres et sont à l'origine du luthéranisme et du calvinisme, les deux courants protestants les plus répandus. Mais d'autres moins connus tels que Menno Simons, qui nous intéresse ici, développent également leur propre courant religieux.
Menno Simons vécu entre 1496 et 1561. C'est lui qui est à l'origine du courant dit du mennonitisme. Probablement fils de fermier aux Pays Bas, le jeune homme suit son éducation religieuse dans l'église catholique classique, et continua sa carrière dans les ordres et fut même nommé curé de l'église de Witmarsum en 1531. Néanmoins, il se rapproche idéologiquement rapidement d'un autre courant religieux et réformateur existant alors : le mouvement des Melchiorites. Ce mouvement, dirigé par Melchior Hoffman est à l'origine issu de la réforme luthérienne. Mais ce dernier se détacha très vite des idées de Martin Luther, tournant le dos à la Réforme, pour prêcher vers un autre courant qui aura alors beaucoup de succès : l'anabaptisme. Et c'est ce courant qui permet les fondements de la doctrine de Menno Simons. En effet, l'anabaptisme est un courant prônant le baptême du chrétien à l'âge adulte, en opposition au catholicisme qui effectue ce sacrement le plus rapidement possible après la naissance de l'enfant. Mais les anabaptistes, de quelque doctrine qu'ils soient, sont sévèrement réprimés en Europe. C'est pour cela que nombre d'entre eux, et notamment les représentants mennonites choisissent de quitter l'Europe pour s'installer dans d'autres lieux où ils seront moins persécutés. C'est ainsi que de nombreux mennonites quitte le nord de l'Europe pour s'installer en Amérique du Nord, nouvelles terres récemment découvertes, dans lesquelles ils ont plus de chances de réussir à s'implanter. Ils s'implantent alors tout d'abord dans les territoires des actuels États-Unis, et remontèrent ensuite vers le Canada aux environ de l'année 1786. À ce jour, la communauté mennonites est présente dans le monde entier au nombres d'environs 850 000 représentants, mais sont restés pour la majeure partie d'entre eux en Amérique du Nord, et plus particulièrement au Canada (où ils sont recensés au nombre de 207 000). Mais afin de comprendre pourquoi ils durent ainsi fuirent leurs pays d'origines, il nous faut s'intéresser plus particulièrement aux dogmes religieux défendus par cette doctrine.
Les dogmes religieux du mennonitisme
Nous allons tout d'abord revenir sur la notion d'anabaptisme et sur le pourquoi cela posait il problème à l'époque. Tout d'abord, il faut comprendre l'importance du baptême dans la religion chrétienne. Dans le catholicisme, le baptême correspond, avec l'eucharistie, la communion, la confirmation, la réconciliation, le mariage, l'entrée dans les ordres et le sacrement des malades, l'un des sept sacrements rythmant la vie idéale du chrétien. Le baptême a une importance toute particulière car il correspond au premier de ces sacrement, fait à la naissance, et marquant l'entrée de l'être dans le monde chrétien. Il ne peut alors y avoir de chrétien non baptisé. Or, les anabaptistes quant à eux jugent que le baptême doit se faire à l'âge de raison, c'est à dire quand le croyant est pleinement conscient de son implication totale dans la chrétienté, et donc par défaut, ce sacrement s'effectue à ce moment là à l'âge adulte. C'est en cela que l'Église catholique et les Anabaptistes se sont longtemps opposés, et que les Anabaptistes furent durement réprimés. Et c'est également pour cela que la majorité d'entre eux durent quitter l'Europe, pour s'installer en Amérique du Nord. D'ailleurs, en plus du fait que c'est la bas que nous retrouvons à l'heure actuelle le plus de communautés mennonites, nous pouvons constater que d'autres type de religions, relativement proches des pratiques mennonites, tels que les Amish ou les Mormons, sont également fortement présent dans cette région du globe. Le protestantisme en général, et les anabaptistes en particulier ont donc réellement réussis à s'implanter durablement dans ces pays.
Pour ce qui concerne les valeurs défendues par les mennonites, en dehors de l'anabaptisme, nous pouvons noter le refus de la violence, avec l'interdiction de la possession d'arme quelconque. En effet, ils font parti des églises qui sont considérées comme "traditionnellement pacifiste" (les Amishs le sont aussi par exemple). Cela signifie que leur pratique de la foi leur interdit tout type de violence, et donc, par le fait, ils refusent par exemple le service militaire. De plus ces communautés de croyants sont généralement des communautés paysannes, très attachées à l'idée d'autosubsistance. Ainsi, nous pouvons constater dans certains cas (mais pas la totalité), un refus plus ou moins extrême du progrès technique. C'est pour cela que certaines communautés vivent encore à ce que nous pourrions qualifier d'un "rythme de vie datant du XIXème siècle", refusant l'utilisation de l'électricité par exemple. Nous pouvons d'ailleurs une fois de plus constater les similarités avec les pratiques amish ou mormones. C'est en grande partie de par ce refus de la modernité que les communautés mennonites sont très souvent considérées comme "extrémistes" dans leur pratique de la chrétienté. Mais ce refus de la modernité ne concerne en fait pas la totalité des communautés dans le cas des Mennonites, cet aspect de la pratique de la foi est beaucoup plus présent chez les Amish par exemple, où il est considéré comme une règle quasi-générale. L'activité majoritaire de ces communautés reste l'exploitation agricole. En effet, nous pouvons même remarquer qu'avec le temps, les communautés mennonites représentent à l'endroit où elles sont implantées des propriétaires terriens particulièrement importants. Néanmoins, nous pouvons également constater que certaines communautés s'ouvrent à de nouvelles pratiques, et c'est pour cela que nous allons maintenant nous intéresser à la communauté mennonite de Saint Jacob's, située au nord de Waterloo, et qui est aujourd'hui devenue un pôle touristique important.
La communauté de Saint Jacob's
Le village de St Jacob's fut fondé dans les années 1850. Il est aujourd'hui connu au Canada pour son activité touristique et sa communauté mennonite, qui est l'une des plus importantes au Canada. En effet, ce village anciennement fondé par des Mennonites est aujourd'hui une attraction à lui seul. Les touristes peuvent y visiter différents musées (histoire du village, sucreries produisant le sucre d'érable,..) et assister à d'important marchés vendant essentiellement des produits du terroir de l'Ontario. Mais le village a encore aujourd'hui la particularité d'être habité par des membres de l'ordre mennonite, vivant pour la plupart sur des propriétés aux alentours du village. La plupart d'entre eux sont des agriculteurs, ayant choisi de suivre les principes de leur religion et refusant certaines formes de modernité. Ainsi, nous pouvons voir dans cette communauté nombre de fermier se déplaçant uniquement en charrettes tractées par des chevaux par exemple. Mais ces fermes représentent tout de même, malgré ce système très traditionnel, des exploitations particulièrement importantes en Ontario.
La communauté de St Jacob's illustre bien la rupture qu'il peut exister entre la vie des mennonites et le monde moderne. En effet, nous pouvons voir d'un côté la face très traditionnel des habitants de ce village avec un rythme de vie basé sur la religion et la volonté d'autonomie qui passe par le travail de la terre, mais en même temps, la modernité qui a tout de même réussi à s'implanter au sein de la population avec le temps et qui s'illustre par la mise en place d'un tourisme très important. Le site internet de St Jacob's est d'ailleurs assez évocateur sur ce point la, présentant les différents attraits du village, invitant à la visite et jouant beaucoup sur le patrimoine mennonite de la ville (http://www.stjacobs.com/). L'aspect touristique est même tellement mis en valeur sur cette page web que nous pouvons constater qu'il existe en plusieurs langue, et notamment en japonais et en chinois, ce qui montre bien la volonté de toucher un public large. Les mennonites de St Jacob's participent donc à cette aspect touristique, l'une des plus importantes attractions du village étant la vente de produit fermier venant de leurs terres agricoles. Mais ils n'y participent en fait pas de manière directe. En effet, tout l'aspect touristique du village de St Jacob's est géré par des civils. Les Mennonites n'y participent que par la vente de leur production, via le marché fermier. Et de même, respectant leurs croyances et leurs valeurs, la plupart d'entre eux refusent par exemple d'être pris en photo. Les communautés mennonites ont néanmoins pour beaucoup d'entre elles, avec le temps, élargies leurs activités et se sont donc d'une certaine manière ouvertes au monde moderne, bien que l'essentiel des relations entre les mennonites et la ville de St Jacob's par exemple transite par le marché et la vente de productions agricoles. Sur certains points tels que leurs pratiques de l'agriculture, nous pouvons donc considérer que les Mennonites de St Jacob's sont assez radicaux, refusant le progrès technique.
Les Mennonites sont donc à ce jour une branche très reculée du protestantisme, mais leur existence persiste malgré les différentes répressions dont ils ont pu être le sujet au fil du temps. Leur pratique de la religion chrétienne reste très fermée au monde que nous connaissons, et leurs communautés sont généralement très coupées de ce dernier, recentrées sur elles mêmes. La communauté de Saint Jacob's nous fournit un excellente exemple de cette vie qu'ils mènent, étant connus de tout le monde uniquement pour leur attrait touristique, qu'ils n'ont en fait pas forcément chercher à développer, se contentant de continuer à mener leur vie tel qu'ils la connaissent et selon leurs convictions, sans se préoccuper des agitations de notre monde. Les Mennonites de St Jacob's vivent bel et bien au sein de leur communauté qui leur apporte tout ce dont ils ont besoin (nourriture, école, église, travail,...), le tout en accord avec le gouvernement de l'Ontario. Mais les Mennonites de manière général sont tout de même de moins en moins nombreux à ce jour, leur pratique de la religion chrétienne étant considérée par beaucoup comme radicale et dépassée.
Sources :